L’Aliéniste




Cette série, diffusée sur Netflix ou Polar+ si vous êtes abonné à Canal, est une adaptation de l’excellent roman éponyme de Caleb Carr. La saison 1, qui compte dix épisodes, est disponible depuis mi-avril.

Nous sommes à New York, en 1896. Un émule de Jack l’Éventreur joue du couteau sur de jeunes prostitués. Il serait injuste de dire que la police s’en moque, mais elle s’intéresse plus aux pots-de-vin que lui versent les patrons des bordels qu’à la sécurité de leurs protégés. Le nouveau chef de la police, un moderniste nommé Theodore Roosevelt, désapprouve cette manière de voir. De son côté, Laszlo Kreisler, aliéniste et partisan de théories d’avant-garde, est fasciné par l’affaire. Or, Kreisler était à la fac avec Roosevelt. Les deux hommes tombent d’accord pour organiser une enquête parallèle, et l’aliéniste réunit un petit groupe d’enquêteurs brillants qui ne rentrent pas dans les cases : la seule femme à travailler pour la police new-yorkaise, deux sergents qui ont le mauvais goût d’être Juifs plutôt qu’Irlandais, sans oublier un dessinateur mondain, grincheux et alcoolique.

L’idée géniale de Caleb Carr lorsqu’il écrivit L’Aliénistefut de prendre un cliché du polar des années 1990 – la danse du psychopathe et du profileur – et de la transposer dans un temps où elle n’a rien à faire, tout en la rendant plausible. Kreisler est un moderniste visionnaire aux prises avec un monde où les traitements psychiatriques sont dispensés par des infirmiers costauds, où les flics estiment qu’ils n’ont pas plus besoin d’un psychologue que de cours d’origami, et où médecins et policiers se rencontrent sur l’usage fréquent de la matraque sur les individus contrariants.

Les scénaristes ont réussi un excellent travail d’adaptation, enrichissant l’arrière-plan, mettant en évidence des tensions sous-jacentes dans le bouquin et faisant de New York un personnage à part entière, plein de recoins crasseux et de poches de splendeur dorée. La réalisation est soignée, les acteurs principaux s’en sortent bien, voire très bien pour certains, et on voit passer quelques têtes connues dans des rôles secondaires, notamment Michael Ironside et David Warner. Quant à l'enquête proprement dite, elle est bien construite... peut-être presque trop bien, parce que je lui ai trouvé un côté un peu mécanique, les fausses pistes et les révélations s'enchaînant sur un schéma parfaitement classique. Ne me faites pas forcément confiance sur ce point, j'ai peut-être été parasité par mes (lointains) souvenirs du roman.

Au-delà du plaisir immédiat, L’Aliéniste est une mine pour meneurs de jeu. Tous ces taudis filmés de nuit, ces bordels sinistres, ces toits peuplés d’une faune bizarre, ces locaux techniques éclairés par des lampes à pétrole fumeuses, sont autant d’images prêtes à resservir. Autre axe intéressant pour les rôlistes, il s’agit des aventures d’un groupe d’enquêteurs, pas d’un héros et de ses faire-valoir. Tout le monde contribue, les membres de l’équipe ont tous leurs bons et leurs mauvais moments, et plusieurs dynamiques internes se mettent en place[1]

Qu’en conclure ? Consommateur de polars historiques et fan de longue date de Caleb Carr, j’étais pile dans le cœur de cible. Je m’y suis mis un peu à reculons, redoutant une adaptation à la truelle. Et j’ai beaucoup aimé. Vraiment. Je conseille sans réserve, et j’espère qu’il y aura une seconde saison. Le succès public a été au rendez-vous, il y a encore de la matière, ne serait-ce qu’en adaptant le second roman de Caleb Carr, L’Ange des ténèbres



[1]Investigateurs de L’Appel de Cthulhuou coterie de l’un ou l’autre Vampire, bien sûr… mais en plissant assez les yeux, pourquoi pas un groupe de gardoches de Wastburg ?

Commentaires

  1. Ca donne envie :) j'avais adoré le livre (y a très longtemps)

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