Oui, encore un jeu propulsé par l’Apocalypse. Je sais.
C’est un jeu taillé pour émuler les séries télévisées façon Buffy, Fringe ou Supernatural. On connait la recette : une bande d’amis qui, à
chaque épisode, croise la route d’un monstre, mène vaguement l’enquête entre
deux pages de publicité puis claque son beignet à l’ignoble créature. Le tout
en sortant une réplique qui tue et en faisant un usage récurrent de running gags, histoire de dédramatiser
l’horreur et le gore télévisuel.
Sans surprise, Monster of the
Week vous propose donc d’incarner des héros parmi une liste d’une douzaine
d’archétypes : the Chosen (l’élue à la Buffy), the Crooked (au passé
interlope), the Divine (idéal pour jouer un ange, par exemple), the Expert (à
la Mulder), the Flake (le théoricien du complot), the Initiate (au service
d’une secte chasseuse de monstres), the Monstrous (qui n’a pas rêvé de jouer
Spike ou Angel ?), the Mundane (l’humain de base sans pouvoir mais très utile
au scénariste), the Professional (non, pas Belmondo, plutôt Jean Réno dans Léon), the Spell-Slinger (façon Willow
ou Harry Dresden), the Spooky (pour satisfaire le joueur goth de votre table)
et enfin, the Wronged (ils ont tué son chien…).
Niveau système, nous sommes aussi en territoire connu : 2d6 + une
caractéristique qui oscille de -1 à +2. Si vous faites 10+, c’est un oui, et… qui vous permet de briller. Entre
7 et 9, c’est un oui, mais… où vous
limitez les dégâts. Sur un 6-, c’est un non,
et… qui vous pête au nez, mais vous gagnez un point d’expérience. Bref, les
dés ne vous donnent jamais un résultat neutre : il se passe toujours
quelque chose. Et c’est l’Apocalypse : votre personnage possède des moves, des actions spéciales qui le différencient
de ses collègues et lui permettent de sortir du lot. C’est limpide à la
lecture, et ces pouvoirs émulent parfaitement les lois du genre.
Évidemment, c’est un jeu d’enquête, alors… il n’y a pas de règle
d’enquête. Ou si peu. Ce n’est pas The Wire :
en une séance, les joueurs doivent être confronté à un mystère, identifier le
monstre, déterminer son point faible puis lui casser la gueule méthodiquement.
Donc la phase d’investigation est plus un prétexte pour que les personnages
brillent. Car ils doivent forcément réussir cette phase, on n’imagine pas les
frères Winchester rester bloquer jusqu’à la fin de l’épisode de 40 minutes
parce qu’ils n’ont pas eu de chance aux dés ou qu’ils n’ont pas réussi à être
plus malin que le scénariste. Donc le MJ met en scène quelques PNJ, les PJ
posent les questions habituelles (la victime avait-elle des ennemis ? Est-ce
que ça sent le souffre ? Y’a-t-il eu d’autres meurtres du même genre dans la
région ?...) et c’est plié. Le MJ peut éventuellement utiliser un twist pour
prendre ses joueurs à contre-pied, mais ça ne va pas plus loin. Si vraiment le
MJ veut raconter une histoire compliquée, il peut la faire tenir sur deux
séances, mais c’est à réserver pour une fin de saison.
Nous sommes donc en présence d’un jeu qui se joue télévisuellement. Idéal
pour les gens qui jouent en semaine et qui n’ont qu’une courte fenêtre de jeu
entre 20h et 23h. Pendant la première heure, le MJ les appâte avec une
situation étrange (oh, un article de journal qui sort de l’ordinaire. Tiens, un
truc bizarre dans le voisinage…) puis décrit le décor (tiens, une autre petite
ville de l’Oregon où tout semble normal en apparence mais dès qu’on creuse, il
y a de sombres secrets qui entourent le shérif, le maire et la bibliothécaire…)
alors que les PJ vont à l’hôtel et utilisent des fausses identités. Lors de la
seconde heure, les joueurs s’amusent à incarner les archétypes ambulants qu’ils
sont (Je suis le Wronged, je suis donc mélancolique, mais en fait derrière ma
carapace, il y a petit cœur qui bat, pour peu qu’on prenne le temps de passer
outre mon cynisme consommé de chasseur de monstres qui en tant vu…) en
tricotant du drama. Puis on boucle dans la dernière heure avec un final
explosif, une révélation qui fait progresser l’arc narratif de la saison
(Dingue, le monstre avait été invoqué dans cette ville pour nous inciter à y
venir, c’était un piège de Crowley !) et hop, c’est l’heure d’aller prendre le
métro. Et on y revient la semaine suivante avec plaisir car on aime se prendre
la tête avec la Chosen du groupe puis regarder le Spell-Slinger se chier dessus
quand ses sorts partent en sucette.
À titre personnel, c’est typiquement le genre de jeu que j’utiliserais
si je devais recycler le pitch de Scion.
Vous êtes l’engeance de dieux d’anciens panthéons, les Léviathans foutent la
merde à travers le pays par le truchement de monstres mythologiques, le Destin
vous réunit pour tataner ces créatures sanguinaires. En voiture Simone,
direction le fin fond du Wisconsin (en écoutant du rock FM) où trois
chearleaders d’une petite ville sont mortes dans d’atroces souffrances dans les
derniers jours. Tiens, et histoire de rajouter un peu de drama, c’est aussi la
ville où a grandi le Spoopky de la table, donc on va s’amuser à lui faire
recroiser tous les anciens élèves de son lycée qui l’humiliaient dans le temps…
Idéal pour les MJ qui aiment poser une situation de base mais qui savent
laisser les joueurs se dépatouiller sans avoir en tête une idée préconçue du
final. Parce que les dés en décident autrement ou parce que les idées des
joueurs sont tout bonnement excellentes.
Par contre, autant sur Netflix je suis
capable de faire du gavage télévisuel en m’enfilant une saison de 22 épisodes
sans sourciller, autant en JdR, je me dis qu’on aura plus vite fait le tour du
format.
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